Synopsis
Dans un village reculé de Tunisie, Aicha et Brahim sont dévastés par le départ inexpliqué de leurs fils, partis pour une guerre indicible. Quand l’un d’eux revient avec une mystérieuse fiancée voilée et muette, les parents décident de taire ce retour. Mais Bilal, un policier et ami de longue date, enquête sur des événements inquiétants. Ses suspicions ne tardent pas à le mettre sur la piste de la famille.
Le regard féminin
La femme est au centre de ce film plutôt étonnant. La maternité est représentée par une femme courage qui s’oppose au caractère dur du mari. Être mère implique d’être présente quoi qu’il arrive à sa progéniture. Être mère de garçons qui décident de partir pour le djihad c’est prendre le risque d’être banni par la société. La responsabilité incombe à la famille et même si celle-ci vit dans un territoire retiré de la Tunisie, la maman doit cacher son fils pour ne pas qu’il aille en prison.
Le fantastique souligne l’étrangeté et la symbolique
La réalisatrice Meryam Joobeur a choisi le fantastique pour traiter ce sujet épineux le retour de djihadistes dans leur famille. Raconter le djihad est devenu depuis quelques années déjà un sujet cinématographique récurrent en Tunisie sans doute plus qu’ailleurs. La jeunesse tunisienne qui quitte son pays pour s’essayer au djihadisme se raconte de l’intérieur, crée une urgence et nous plonge un peu plus dans le questionnement d’une façon très particulière.
Les hommes vus par Meryam Joobeur
Les hommes sont nombreux dans ce film et s’ils sont tous différents, la réalisatrice ne tombe pas dans le piège du stéréotype. La caractérisation de ses personnages apporte une note différente dans la narration classiquement critique vis à vis des hommes chez les réalisatrices maghrébines.
Ici l’homme est faible derrière son armure, c’est le cas du père qui est dur avec ses enfants mais qui fond devant les décisions prises par sa femme. La mère est très intuitive là où le père agit en mettant de côté son rôle et son amour de père.
L’un des fils, parti pour la Syrie, revient implorant de l’aide parce qu’il a ramené avec lui une mystérieuse femme aux yeux verts. Ce fils repenti tente de se racheter et ne dit mot sur cette femme qui l’accompagne.
Un beau et jeune policier, ami de ces deux fils partis de ce coin du pays en retrait de tout, aime les enfants à qui il donne des bonbons. Encore une symbolique, l’ordre est pratiqué par un beau jeune homme tendre avec les enfants et les habitants, la police ne saura rien du retour de cet ami d’enfance car il n’en dit mot. Il sait que son ami d’enfance est revenu qu’il doit le livrer et au lieu de l’arrêter comme il se doit, ce beau policier interprété avec brio par Adam Bessa, est pris dans la spirale d’une série de meurtre et doit mener une enquête.
La vengeance
Depuis le retour du djihadiste des hommes disparaissent. On se demande si c’est le fait de la femme aux mystérieux yeux verts ou si c’est le djihadiste. Le film nous plonge alors dans une atmosphère glauque et il prend tout son sens. Cette mystérieuse femme ayant subi la violence des hommes de Daech semble se venger sur tous les hommes qu’elle croise. Que nous dit la réalisatrice dans son étrange film ? Que finalement rien n’est simple à dire sur ces hommes qui punissent les femmes parce que femme ! Que rien n’est simple à dire sur les fils qui partent au djihad parce que ce sont des jeunes qui cherchent une raison de vivre ailleurs. Que rien n’est simple pour ces femmes qui perdent leur progéniture alors elles souffrent de les avoir porté et d’en être dépossédées.
Le décors
Les lieux où a filmé la réalisatrice sont propices à cette atmosphère lourde, des couleurs jusqu’à la nature de cet endroit reculé, tout participe à nous donner la chair de poule. Le film devient au fur et à mesure de son avancée glauque et n’a plus rien à voir avec l’imagerie féérique ou naïve créé au début du film. Les personnages du film eux-mêmes sont roux pour la plupart. Nous sortons des stéréotypes des films sur les terroristes arabes bien basanés. Le fils repenti lui aussi est roux et même s’il est barbu comme il se doit, même si la femme mystérieuse qui l’accompagne porte le voile du début à la fin du film, ses yeux verts nous sortent du contexte si souvent raconté avec un point de vue manichéen. La réalisatrice sait ce qu’elle nous apporte en choisissant de nous plonger dans un monde retiré, loin de tout, et soudain ne nous laisse plus le choix, nous sommes dans la panse du monstre.
Film à voir avec beaucoup de recul.
R.B.E
Commentaires récents