Synopsis
Pierre élève seul ses deux fils. Louis, le cadet, réussit ses études et avance facilement dans la vie. Fus, l’aîné, part à la dérive. Fasciné par la violence et les rapports de force, il se rapproche de groupes d’extrême-droite, à l’opposé des valeurs de son père. Pierre assiste impuissant à l’emprise de ces fréquentations sur son fils. Peu à peu, l’amour cède place à l’incompréhension…
Un film où la paternité joue un rôle important.
Il est rare de porter à l’écran la relation père-fils. Cette adaptation du roman Ce qu’il faut de nuit de Laurent Petitmangin paru en 2020, nous raconte l’histoire d’un homme qui a perdu sa femme et qui a dû élever seul ses deux garçons. L’un est obéissant et brillant alors que l’autre sort du rang et choisi d’appartenir à un groupe fasciste. Il est difficile de critiquer ce film car le thème de fond est essentiel dans une société qui est de plus en plus fascisante. Ce père a du mal avec son fils alors que celui-ci sombre de plus en plus dans la violence. Vincent Lindon interprète avec talent ce père de famille monoparentale qui se bat seul contre ce qui attire comme le feu son fils Fus. Fus est fasciné par le virilisme et la violence alors qu’il semble sensible gentil et aimant. Le film reste sur ce fil du rasoir entre le père et le fils et ce risque de passer définitivement de l’autre côté. Le père a du mal à prendre des décisions fermes par peur de perdre son fils. Pourtant il va le perdre car il ne peut pas le protéger du danger de ces idées qui gagnent du terrain. Il ne peut pas le protéger de ces fascistes parce qu’il ne veut pas comprendre qu’il est déjà perdu. Il croit certainement que l’amour qu’il lui donne suffira à l’en protéger. Mais le danger semble attirer son fils plus que l’amour.
Les points négatifs du film
Par moment le rythme du film est trop lent et tourne au téléfilm. Les gros plans sur Vincent Lindon, les séquences où il est omniprésent gâchent un peu la proximité avec Fus, interprété avec talent par Benjamin Voisin. Les réalisatrices Delphine et Muriel Coulin ont choisi de suivre le point de vue du père. Nous ne savons pas grand chose finalement de ce que vit son fils et des raisons qui le poussent vers l’extrême droite. Son père est un cheminot, ancien syndicaliste et aux idées plutôt de gauche. Le plus jeune fils, lui est sage et semble suivre les opinions du père, mais rien ne nous renseigne sur la chute du fils ainé dans les abysses. Il y a bien cette absence de la mère, décédée trop tôt et qui laisse ces trois hommes entre eux sans présence féminine. C’est un peu réducteur de tout baser sur cette absence maternelle. Le père est absent les nuits car il travaille et ne fait pas assez attention aux fréquentations de son fils Fus. Nous voyons ce père cheminot avec sa torche la nuit parcourir les voies ferrées et l’esthétique est intéressante car elle rappelle les feux des ultras dans les stades.
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L’abysse
Sombrer dans le gouffre et ne pas sembler s’en apercevoir jusqu’à ce que ce soit trop tard, c’est le pari que fait ce film. L’époque nous le montre tous les jours, où une certaine jeunesse sombre dans des groupes d’extrême droite et donne tord au fameux slogan des années 80 « La jeunesse emmerde le FN« . L’histoire ici nous dit que la radicalisation peut commencer sans qu’elle dise son nom, elle prend ses aises dans les clubs de foot parce que ce sport dans les stades fait appel à des instincts de clans. Il est facile pour un jeune, bien sous tout rapport, à qui tout réussit, beau et aimé de dévier et d’être embrigadé. Ce film nous montre des regroupements de jeunes autour du sport et l’esprit compétitif et patriotique écarte finalement l’autre en se créant une appartenance régionaliste. Le foot, le MMA sont montrés comme des lieux où l’extrême droite agit en sous marin pour recruter et embrigader une jeunesse en mal de repères. C’est également ce point qui donne sa force à ce petit film qui ose tout de même dénoncer les forces tentaculaires de ces idées qui se renforcent là où l’esprit sportif revendique des valeurs universelles.
La conclusion
Le monologue du père dans le tribunal est un beau plaidoyer. Le père ne justifie pas l’acte de son fils qui a tué un antifa. Son fils aurait pu être antifa au vu des idées de son père, mais non il a choisi l’autre camp. Et comme le dit son père, les deux jeunes ont fréquenté le même collège ont certainement joué au foot ensemble dans la cour de récréation et ont finalement terminé l’un contre l’autre. C’est uniquement à ce moment que Fus réalise qu’il est meurtrier et qu’il semble se repentir. Il a été jusqu’au bout de sa vengeance, contre un anti-fa, parce qu’il a choisi son camp ! Le film ose montrer ces lieux d’entrainement et de fascination, des lieux de combats clandestins que l’on montre peu.
Le visage de la France d’aujourd’hui nous montre bien que la violence dans les rues est extrême et que les groupuscules fascistes sont de plus en plus impunis.
Un film à prendre au sérieux malgré ses failles cinématographiques.
R.B.E
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