L’histoire de Souleymane – tous des menteurs !

Synopsis

L’Histoire de Souleymane suit la course ininterrompue d’un jeune livreur guinéen qui donne tout pour réussir son entretien de demande d’asile.

Pourquoi mentir ?

La salle de cinéma parisien est pleine de jeunes spectateurs et à la fin ça pleure ! La question à se poser sur cette empathie est d’où vient-elle ? L’histoire de Souleymane est une sorte de Roseta à la parisienne. Souleymane, jeune guinéen est livreur sur son vélo flambant neuf et il est sans papiers. Paris n’a pas de secrets pour lui et grâce à l’application de commande qu’il loue à un autre, Souleymane tente le tout pour le tout pour avoir des papiers. Jusque là tout va bien ! Il y a un mais dans cette histoire à la française. Le Mais est ce mensonge que Souleymane, comme d’autres, façonne aidé d’un compatriote qui monnaye ses conseils et les narrations pour préparer le rendez-vous à l’OFPRA pour les demandeurs d’asiles. Même si le film semble porter de bons sentiments à l’égard de Souleymane, il n’empêche que cette course infernale lui ôte toute son humanité. Si le personnage est en quête d’un meilleur avenir il le fait malhonnêtement et il n’est pas le seul. Lui et ses copains profitent de l’institution qui met en place le gîte (le 115) et le logis. Et pourtant ils mentent à construire une histoire de toute pièce. La seule histoire plausible est celle de la femme qui prépare elle aussi son entretien et qui parle de mariage forcée. Il n’est pas question ni de réfugiés de guerre qui parcourent le Monde et espèrent la paix et la sécurité, ni de ceux qui fuient le changement climatique ou tout autre raison évidente ! Les seuls cas montrés sont ceux qui veulent profiter de cette chère France.

La narration de l’histoire

Souleymane, livreur bien courageux et infatigable, apprend par cœur son histoire cousue de toute pièce ! Il y a dans ce sort une non empathie, car comment choisit-on de raconter un mensonge quand le Monde est à feu et à sang et que des milliers de personnes, fuyant leur pays pour de multiples raisons, échouent en mer sous les yeux des baigneurs. La route des africains est jonchée de cadavres que ce soit dans la traversée de ce désert qui les mène vers un monde hostile et fait d’eux des esclaves modernes ou de ces pays où ils transitent. La seule possibilité qui leur reste à ces Souleymane est de mentir et il est normal de mentir pour sauver sa peau quand les guerres les menacent de toute part. Pourtant le réalisateur choisit l’histoire d’un livreur qui n’a pas l’air vraiment dans l’urgence. Il peine à joindre sa mère qui a l’air malade et sa seule raison évidente est de fournir des médicaments à celle-ci.

Les relations entre les exilés

Ces hommes sont tous en train d’écrire leur vie en mentant à la France pour profiter de son système. C’est aussi cette lecture dangereuse qui est faite de ce film dans une France qui est passée très prés d’un vote en faveur de l’extrême droite et qui reproche justement aux étrangers et aux exilés de toutes sortes de profiter du système français. Pour quelle raison les hommes sont tous en train de profiter les uns des autres et de monnayer le moindre service ? Si leur vie est difficile elle l’est d’autant plus entre eux d’après ce film. Souleymane est souvent seul, il n’est aidé par personne et quand celui qui l’aide à rédiger sa narration finalement accepte de lui donner les documents en attendant d’être payé c’est presque incroyable, ça parait faux, ça surprend ! Ce sentiment inhumain que le réalisateur donne à ces exilés entre eux est peu probable ! Les sans papiers, qui vivent des situations similaires, s’entraident pour se maintenir en vie ! Il y a effectivement des abus de toutes sortes car les sans papiers sont vulnérables du fait de leur situation, et ils le sont souvent par toutes sortes de gens. Ce film ne montre que le cas du loueur d’application qui vole Souleymane et le déconsidère. Il profite de sa vulnérabilité et le brutalise. Souleymane est montré comme un pauvre type, incapable de se défendre, et qui perd sa dignité.

Un point de vue

Ce genre de film qui suit un personnage central et son histoire doit normalement nous rapprocher de lui et de sa situation, doit nous le faire aimer. Souleymane souffre de ne pouvoir être à la hauteur, il craque parce que tout est dur. Les situations qu’il rencontre ne font que le plonger d’avantage dans l’impasse. Le point de vue donné aux spectateurs est cette vie de labeur, de galères et d’entourloupes. La vie d’un sans papiers pour le réalisateur est quasi impossible à vivre. Il oublie que tout Paris vit grâce à bon nombre d’entre eux qui paient leurs impôts et vivent leur vie normalement tout en espérant leur régularisation depuis de nombreuses années pour certains. La demande d’asile est un droit et est de moins en moins octroyé en France. Le point de vue du réalisateur se cogne contre la vraisemblance . Est-ce que raconter une histoire suffit ? L’histoire de Boris Lojkine est aussi fausse que celle de Souleymane. L’agent de l’OFPRA, Les policiers, le 115, la maraude… tous semblent gentils avec Souleyman, tous le considèrent et il est aidé par ceux qui sont français et aucune critique sociale n’existe dans ce film.

Le jeu d’acteur d’un sans papier

Souleymane est incarné par un sans papiers qui s’est découvert un talent d’acteur. Car Abou Sangaré, d’origine guinéenne joue merveilleusement bien. Il a un corps d’athlète et apparemment le cinéaste Boris Lojkine aime bien filmer ce corps qui ne cesse de nous raconter l’abîme. Le corps de Souleymane est attaqué par les heures de vélo qu’il endure à travers la ville, puis c’est avec le visage ensanglanté qu’il apparaît. Souleymane souffre et le réalisateur nous le montre. Les hommes qui oeuvrent pour la France et les français mettent en péril leur corps et que ce soit sur des vélos ou dans des chantiers ils continuent à travailler pour la France. Le vélo est un gadget comparé à ce qui existe dans Paris la nuit, dans les restaurants où de nombreux cuisiniers travaillent sans papiers. Le corps de ceux qui semblent indésirables ne mentent pas quand il s’agit de faire des efforts et des sacrifices. Car il s’agit de cette vérité que l’on ne veut pas entendre, de la seule que le cinéma ne pourra jamais raconter, celle des âmes perdues dans les routes vers l’Eldorado.

R.B.E

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