Ni chaines, ni maitres – un coup d’essai français

Synopsis

Isle de France 1759. Deux esclaves, Massamba et sa fille Mati, travaillent, avec frayeur et labeur, dans la plantation appartenant à Eugène Larcenet. Massamba n’a qu’une envie : que sa fille soit rendue libre. Mati a une folle idée : quitter cet enfer. Une nuit, elle s’évade. Eugène Larcenet compte sur Madame La Victoire pour la ramener. Massamba fuit à son tour, devenant un « esclave marron ».

Rendez-vous manqué !

Pour une fois qu’un film français évoque l’esclavage, le rendez-vous est pourtant manqué ! Le film est construit autour de deux points de vue et non un seul. Il y a bien le monde des esclaves et le monde des colons qui s’entrechoquent. Les esclaves sont chosifiés, il n’y a aucune présence donnée à ce qui pourtant aurait pu nous transporter. Les colons sont également stéréotypés, nous assistons à l’inhumanité des uns et leur violence et l’inexistence des autres.

A vouloir trop dire, on dit rien !

Benoit Magimel dans le rôle d’Eugène Larcenet s’en sort plus ou moins, plus dans l’aspect du colon, ses costumes, ses manières, mais moins vraiment moins quand il s’agit de convaincre de son inhumanité. Il fait appliquer le code noir, utilise Cicéron, une sorte de traître au milieu des esclaves pour tout savoir… mais c’est un Benoît Magimel qui n’est pas crédible. Ce rôle ne lui colle pas à la peau, d’ailleurs à la visite du gouverneur on apprend comme pour le dédouaner que ses terres sont des concessions du roi et que donc ne lui appartiennent pas. Il risque de tout perdre ! Il y a bien un gentil dans l’histoire, c’est le fils d’Eugène. Là encore il est comme dit qu’il y a des bons et des gentils colons, que l’esclavage ne fait pas l’unanimité. Ce bémol dérange l’histoire et ne représente absolument rien face à tout ce que subissent les natifs. D’ailleurs on les nomme les Wolofs et ne comprends pas bien la spécificité de cette île. D’où viennent ces esclaves ? Tout simplement parce qu’ils ne sont pas caractérisés !

L’Eglise dans tout ça !

Le lien entre la chrétienté et l’esclavage est abordé dans l’incarnation de Victoire, interprétée par Camille Cottin une femme accompagnés de ses deux fils pour traquer les évadés et les ramèner vivants ! Cette image d’une femme forte, jolie et éprise de son prochain contrecarre l’inhumanité de l’esclavage pourtant ! Evidemment elle est pieuse et c’est parce que l’Eglise considère les esclaves comme des sous hommes qu’elle les chasse. C’est à travers Victoire que le classement de la race est abordé. Que dit le film à ce sujet ? Il évoque cet insupportable suprématie blanche, toujours d’actualité, qui met les esclaves au même niveau que les bêtes. La seule façon de détruire cette idée est de la mettre en scène dans une jungle humide et dense où tout se joue. Les Marrons, ces esclaves évadés, forment leur communauté et représentent aux yeux des autres esclaves un espoir, cette Victoire puis l’armée tente de les combattre.

Le casting est-il approprié ?

Si Ibrahima Mbaye Tchie (dans le rôle de Massamba) et Anna Thiandoum (dans le rôle de Mati) s’en sortent magistralement et sont convaincants, comme la plupart des acteurs qui incarnent des esclaves dans ce film, ce n’est pas le cas de Camille Cottin ni de Benoit Magimel. Ce film aurait pu pourtant réparer une histoire qui est peu racontée dans le cinéma français. La production télé France 2 cinéma a sans doute eu des effets sur la bonne réalisation de ce sujet pourtant crucial. Le rythme et le jeu d’acteurs sont plus ceux d’un téléfilm qu’un film cinéma.

Le point positif : la volonté de raconter cette réalité

Même si le réalisateur est passé à côté d’un film fort, le point positif est qu’enfin ce sujet lui est mis en image. L’océan indien et son colonialisme est très peu raconté et est proche de celui des Antilles. L’île Maurice et aussi toutes les îles environnantes ont leurs lots de traumatismes liés à l’histoire coloniale qu’il faut absolument dire pour que les générations futures comprennent leur lien à la France et à l’Europe. Le chemin semble long et délicat ! Pourtant c’est en continuant à faire des films sur ces sujets que le dialogue sera possible !

R.B.E

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