Dans un discours solennel, jeudi 12 septembre, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale. Face à l’obstruction parlementaire qui paralysait ses réformes depuis son élection en mars 2024, le chef de l’État a convoqué des élections législatives anticipées pour le 17 novembre. Une décision stratégique pour tenter de redessiner le paysage politique du pays.
« Une transformation systémique » en attente
Élu avec 54 % des voix au premier tour de la présidentielle, Bassirou Diomaye Faye avait promis une rupture avec l’ère Macky Sall, son prédécesseur qui a dirigé le pays pendant deux mandats. Mais depuis son arrivée au pouvoir, le président sénégalais a peiné à appliquer son programme faute de majorité parlementaire. L’Assemblée nationale, issue des élections de 2022, est restée dominée par les alliés de l’ancien régime.
« Je dissous l’Assemblée nationale pour demander au peuple souverain les moyens institutionnels qui me permettront de donner corps à la transformation systémique que je leur ai promise », a déclaré Bassirou Diomaye Faye lors de son allocution télévisée. Le président espère obtenir une majorité confortable au Parlement afin de concrétiser les réformes économiques et sociales prévues, dont certaines nécessitent des amendements constitutionnels.
Un blocage parlementaire persistant
Ces derniers mois, le climat politique s’est envenimé, rendant impossible toute avancée législative. Fin juin, les députés de Benno Bokk Yakaar (BBY), la coalition qui soutenait Macky Sall, ont boycotté le débat d’orientation budgétaire, forçant son annulation. Plus récemment, une proposition visant à supprimer deux institutions jugées coûteuses – le Haut Conseil des collectivités territoriales et le Conseil économique, social et environnemental – a été rejetée par l’opposition parlementaire.
Dans ce contexte tendu, la dissolution de l’Assemblée nationale était attendue. Le Conseil constitutionnel avait confirmé fin août que le président disposait de l’autorité légale pour le faire à partir du 12 septembre, soit deux ans après le début de la législature en cours.
Un coup politique pour protéger Ousmane Sonko ?
Le timing de la dissolution interroge néanmoins une partie de l’opposition. La déclaration de politique générale d’Ousmane Sonko, premier ministre et leader du parti Pastef, prévue pour le 13 septembre devant l’Assemblée, a été annulée de facto par cette décision présidentielle. Certains y voient une manœuvre pour protéger Sonko d’une motion de censure, déposée par les partisans de Macky Sall.
« Dissoudre l’Assemblée la veille de la DPG d’Ousmane Sonko n’est pas un hasard. C’est un moyen d’éviter le vote d’une motion de censure », estime Alassane Ndao, politologue à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis. Du côté du pouvoir, on minimise ces accusations. « Cette dissolution était inévitable. Nous avons des dizaines de projets de lois qui attendent d’être votés par une nouvelle Assemblée plus en phase avec les attentes de la population », rétorque un député du Pastef.
Un défi électoral majeur pour le Pastef
Si l’initiative du président peut être vue comme une chance de renforcer son pouvoir législatif, elle n’en demeure pas moins risquée. Le système électoral sénégalais, qui combine proportionnelle et majoritaire, oblige souvent les partis à former des coalitions pour obtenir une majorité stable. « La prochaine législature sera cruciale pour Bassirou Diomaye Faye. S’il n’obtient pas les trois cinquièmes des sièges, son projet de réforme constitutionnelle sera bloqué », souligne Moussa Diaw, professeur émérite de sciences politiques.
Le premier ministre Ousmane Sonko devrait mener la campagne pour le Pastef, qui espère remporter la majorité parlementaire. Malgré sa large victoire présidentielle, le parti devra probablement s’allier à d’autres forces politiques pour former une coalition. « Nous sommes prêts pour cette course contre la montre », a affirmé Ibrahima Diallo, porte-parole du parti, soulignant que la mobilisation serait particulièrement forte dans les bastions de l’opposition.
Un paysage politique en recomposition
Pendant ce temps, l’opposition paraît plus divisée que jamais. L’ancien président Macky Sall a dissous, début septembre, la coalition BBY, qui avait assuré son ascension au pouvoir en 2012. Amadou Ba, ex-premier ministre et candidat malheureux à la présidentielle, vient de créer son propre parti, ajoutant à la confusion. « Ils ne sont pas prêts pour ces législatives, ils n’ont ni ligne claire ni chef de file évident », analyse Moussa Diaw.
La bataille pour la nouvelle Assemblée s’annonce donc décisive pour l’avenir politique du Sénégal. Si Bassirou Diomaye Faye parvient à obtenir la majorité parlementaire qu’il espère, il aura les coudées franches pour mener à bien son projet de transformation. À défaut, le pays pourrait se retrouver dans une situation de cohabitation politique délicate.
MC/ Afronews 2024
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